EDITORIAL : Intégrer la durabilité dans la gestion des marchés publics (Par Dr Baye Samba Diop, Directeur de la réglementation et des affaires juridiques DRAJ/ARCOP)

EDITORIAL : Intégrer la durabilité dans la gestion des marchés publics (Par Dr Baye Samba Diop, Directeur de la réglementation et des affaires juridiques DRAJ/ARCOP)

« Aujourd’hui, la notion de durabilité dans les marchés publics permet de veiller à l’intégration de la probléma­tique environnementale dans les achats publics durables (APD) et une meilleure prise en charge des groupes vulné­rables ». C’est ainsi que s’exprimait M. Saer Niang, Direc­teur général de l’Autorité de Régulation de la Commande Publique (ARCOP), lors de l’ouverture de l’atelier Interna­tional sur la commande publique tenu du 22 au 24 avril 2024 à Dakar.

Les achats publics durables poursuivent des objectifs de développement durable. Le développement durable est défini selon le rapport Brundtland qui fait référence comme « un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs ». Cette mission est déclinée à travers les 17 objectifs de développement durable, notam­ment l’ODD 12 qui consacre la notion de consommation durable. Afin de concrétiser cette vision, les États se sont engagés à élaborer des plans d’actions d’achats publics durables et à réformer leurs systèmes juridiques pour in­tégrer la durabilité dans la passation des marchés publics.

C’est dans cet exercice que le Sénégal s’est engagé en adoptant le Code des marchés publics de 2022, qui men­tionne la notion d’ « environnement » à 37 reprises. Cette notion est omniprésente, allant de la définition des be­soins à la planification, en passant par l’élaboration des spécifications techniques, les critères de conformité et de qualification. Ainsi, pour la mise en œuvre des marchés publics durables, il est essentiel d’utiliser une matrice d’analyse des impacts tout au long du cycle de vie, c’est-à-dire de la phase d’extraction de la matière première, de la phase de fabrication, jusqu’à la fin de vie. À chaque étape, les parties prenantes doivent identifier les impacts positifs et négatifs.

Mais en interrogeant nos pratiques d’achats, on se rend compte qu’elles contribuent à la pollution de l’air et de l’eau, provoquent des changements climatiques avec une forte émission de CO2 et génèrent beaucoup de déchets. Pour la survie de l’humanité, il est impératif de changer ces pratiques d’achat, en réduisant les impacts négatifs, à travers la mise en place des spécifications techniques de conformité qui protègent l’environnement et promeut l’inclusion sociale et économique. Les marchés doivent également être attribués à des entreprises socialement responsables.

L’ARCOP, en cohérence avec le PROJET qui est le nouveau référentiel de politique publique au Sénégal, en­gage les acteurs dans l’indispensable professionnalisation des acteurs du système. Dans ce cadre, l’APD participe à la réalisation de l’axe 2 dudit document consacré à l’emploi des jeunes et à la lutte contre la faim et la pauvreté. La mise en œuvre des instruments des marchés réservés aux acteurs de l’économie sociale et solidaire peut aussi contribuer à renforcer la productivité des PME et des entreprises artisanales.

Dans le domaine de l’employabilité des jeunes les plus hautes instances de l’Etat ont récemment rencontré le sec­teur privé national pour l’encourager à contribuer à la transformation écono­mique et sociale en vue d’atteindre les objectifs du développement durable. La commande publique représente un levier stratégique dans ce proces­sus. Le secteur privé, à travers l’appli­cation des clauses sociales dans les marchés publics, favorise l’emploi des femmes, des jeunes et de personnes à mobilité réduite. La mise en œuvre des instruments des marchés réservés aux acteurs de l’économie sociale et solidaire peut aussi contribuer à ren­forcer la productivité des PME et des entreprises artisanales. Cela aura pour effet de réduire si­gnificativement la pauvreté, de lutter contre la faim et de promouvoir un travail décent.

Pour la mise en œuvre de cette politique dans la ré­gulation, le Directeur général de l’ARCOP a mis en place ‘‘un Small Busness Act’‘ dont l’une des composantes est la formation de 1000 jeunes diplômés dans les métiers de la Commande publique qui seront mis à la disposition des autorités contractantes, des projets financés par les par­tenaires techniques et financiers et du secteur privé.

Leur rémunération est en partie prise en charge à travers le fond Etat –Employeur, grâce à une convention signée avec la Direction de l’Emploi. Déjà un bassin de quatre cents (400) assistants est déjà disponible et l’ap­pel à candidature pour la troisième promotion est lancé.

En plus des marges de préférence prévues dans le Codes des marchés publics au profit du secteur privé na­tional, un partenariat est engagé avec l’Organisation Internationale du Tra­vail (OIT) pour renforcer, dans les dossiers types de passa­tion des marchés publics, les clauses promotrices de l’em­ploi, réductrices de la dégradation de l’environnement, préservatrices de la dignité de la femme, des personnes à mobilité réduite ainsi que d’autres couches vulnérables.