La phase d’attribution des marchés publics fait l’objet d’une attention particulière.
La surveillance, tous azimuts, de cette étape se justifie par l’ampleur de contestations qu’elle suscite et le risque d’engagements de crédits budgétaires sur fond d’irrégularités susceptibles d’entacher l’efficacité et la crédibilité de l’Administration publique. L’essentiel des scandales en matière de gestion publique tournant autour des marchés publics.
Au Niger, en sus de la publication des avis d’attribution provisoire et définitive dans les journaux de large diffusion, une autre formalité doit être observée dès lors que le montant du marché est supérieur ou égal à 300.000.000 FCFA HT ; ce montant était de 500.000.000 FCFA HT sous l’empire de l’arrêté n°001/ MEF/SG/DGCMP du 12 janvier 2011 abrogé et remplacé en 2023. Il s’agit de sa communication en Conseil des ministres.
L’article de l’arrêté n°18/PM/ ARCOP du 18 janvier 2023 dispose, en effet, que « Tout achat dont le montant est égal ou supérieur à trois cent millions (300.000.000) de francs CFA HTVA doit faire l’objet d’une communication préalable en conseil des ministres de la part du Ministre en charge du secteur concerné.
La communication est faite à titre d’information et porte sur :
- L’objet du marché ;
- Le mode de passation utilisé ;
- Le montant ;
- Le délai d’exécution ;
- Le nom de l’attributaire provisoire.
Cette communication doit intervenir avant l’approbation du marché ».
Il s’agit d’un exercice supplémentaire imposé aux personnes responsables des marchés qui ont l’obligation d’informer les autres membres du gouvernement ainsi que le chef de l’Etat des marchés passés dans leurs départements ministériels ainsi que dans les structures qui leur sont rattachées.
Incontestablement, cette communication est une tentative de renforcement de la transparence dans l’attribution des marchés publics. En effet, il s’agit d’une mesure de publicité à l’endroit des hautes autorités du pays mais, également, des citoyens au regard de la large diffusion dont font l’objet les conclusions du Conseil des ministres.
Fil d’Ariane de toute la règlementation applicable aux marchés publics, la transparence apparaît au fronton de la directive introductive du cadre harmonisé des finances publiques. Elle procède de la contestation, durant le siècle des Lumières, du pouvoir absolu caractérisé par le secret d’Etat.
Pour donner un contenu concret à cette « nouvelle passion du droit » pour reprendre une idée chère au Doyen Carbonnier, il est demandé aux personnes responsables des marchés, membres du Conseil des ministres, d’informer sur l’objet du marché, son montant, le mode de passation choisi et le nom de l’attributaire. Cette information pourrait naturellement susciter des discussions et des questionnements dans la salle.
La communication n’est assortie d’aucune sanction. Il s’agit, a priori, d’un simple compte rendu fait par un ministre à ses paires, au Premier Ministre et au Président de la République au nom du principe de redevabilité et pour faciliter la coordination de l’action gouvernementale.
Il est vrai que le Conseil des ministres ne doit pas être transformé en Tribunal pour prononcer l’annulation de l’attribution d’un marché. Mais, la personne responsable du marché a l’obligation d’expliquer et de convaincre les autres ministres, le Premier Ministre ainsi que le président de la République, de la pertinence et de la régularité de la procédure de passation mise en œuvre et du choix de l’attributaire au regard de l’objet et du montant de marché.
De ce fait, le Président de la République qui a l’obligation, selon son serment, de respecter et de faire respecter les lois et règlements pourrait se trouver devant un des cas où le droit reçoit, difficilement, application. En tant qu’autorité suprême, il peut, tout naturellement, décider du sort du marché ainsi attribué lorsqu’il est avéré que certaines fraudes ou irrégularités ont émaillé la procédure de son attribution. Quoi qu’il en soit, en cas d’irrégularités grossières constatées plus tard dans la gestion du marché public et qui seraient commises lors de son attribution, ce sont les principaux responsables de l’exécutif qui sont souvent blâmés sous prétexte qu’ils auraient laissé faire.
La possibilité de rétorquer l’attribution d’un tel marché public et limiter ainsi les dégâts ne souffre d’aucune ambiguïté puisque la communication intervient avant approbation. Or, c’est cette formalité qui est seule censée donner effet au marché. Et un marché non approuvé est nul et de nul effet.