CONTRIBUTION : Encadrement institutionnel et juridictionnels des marchés publics (Elhadji Birane Diaboula, maitrise en droit public des affaires, assistant en passation des marchés publics)

CONTRIBUTION : Encadrement institutionnel et juridictionnels des marchés publics (Elhadji Birane Diaboula, maitrise en droit public des affaires, assistant en passation des marchés publics)

Du point de vue financier, les marchés publics oc­cupent presque les ¾ de la dépense publique. Sur le fondement que l’Etat ne saurait acheter ou vendre comme un particulier en raison de son statut de personne Morale de droit public, ses ac­tions commerciales s’opèrent selon une procédure mi­nutieusement adaptée soit dans un cadre d’acquisition de biens soit dans le cadre de services.

Pour ne pas fausser le jeu de la concurrence, ce do­maine qui jadis n’était qu’un simple paragraphe en droit administratif a connu un essor fulgurant caractérisé de façon pratique par la mise en place d’un régulateur dont la compétence est assez vaste donnant lieu à la pré­sence du juge dans le cadre de la commande publique pour contrôler ses agissements.

Le cadre institutionnel des marchés publics fait ap­paraitre deux organes très important en la matière, l’un chargé du contrôle à priori des procédures de passation des marchés, l’autre chargé de la régulation avec une dimension d’audit de la procédure de mise en oeuvre des marchés publics, le traitement du contentieux, forma­tion, diffusion de l’information, appui technique aux ac­teurs ainsi que la modernisation du système.

La DCMP, organe participant à la formation des ac­teurs de la commande publique au sein des autorités contractantes est en étroite collaboration avec l’ARCOP dans le processus de collectes des données statistiques des marches à passés. Sur le fondement de l’article 142 du Code des marchés publics, assure le contrôle a priori des procédures de passation. Dans ce cadre, elle émet un avis sur le dossier d’appel à la concurrence avant lancement des procédures de marchés à commande, clientèles, à tranches fermes et tranche conditionnelle, les accords-cadres quel que soit le montant. Elle donne aussi son avis sur les marchés que l’autorité contrac­tante souhaite lancer en appel d’offres restreintes, les marchés ayant atteint le seuil de revue (voir arrêté 7122du 23 mars 2024). Dans ce cadre, elle effectue un exa­men juridique et technique, avant leur approbation, des projets de marchés publics ainsi que d’en assurer le sui­vi de l’exécution des marchés publics.

Quant à l’ARCOP, cette organe contrôle le respect des principes sacro-saint (conformément à l’article premier alinéa2) du code des marchés publics ( décret 2022-2295 du 28 décembre 2022) par l’autorité contractante et est saisie par la partie demanderesse après paiement de la consignation ( art90.4) dans un délai de trois jours francs et ouvrés après réception du rejet de sa requête portée devant l’autorité contractante dans le cadre d’un recours gracieux comme prévue par l’article 89 dudit code.

L’intérêt porté à cet encadrement est double, d’abord du point de vue de l’autorité contractante une exigence légale impose de placer des hommes de l’art dans les cellules et commissions de marchés publics afin de ne point fausser le jeu de la transparence (art 36.2).

Ensuite du point de vue des opérateurs économiques, le placement des marchés publics sous diverses autori­tés peut permettre à un opérateur économique de sou­lever un défaut dans la procédure de passation, soit la présence de conflit d’intérêt (art40) soit d’une omission majeure des principes de la commande publique.

Ce faisant cette protection est aussi importante selon que l’on trouve dans une période dite exceptionnel ren­dant inefficace le respect des principes, mais cette ex­ception n’est pas sans contrôle au regard de la loi n°69- 029 du 29 avril 1969 relative à l’état d’urgence, à l’état de siège et à la gestion des catastrophes naturelles ou sa­nitaires Modifiée par la loi n°2021-18 du 19 janvier 2021.

De ce fait l’administration devra prouver par tous les moyens l’explication logique d’un pareil agissement au regard des articles 4.53 et 4.54 dudit code.

Dans ce cas d’espèce la DCMP aura l’obligation de contrôler si réellement l’urgence était requise, s’il n’y avait pas des voies de contournement de l’urgence ou si l’autorité contractante bien qu’étant dans une situa­tion périlleuse ne pouvait-elle pas respecter les procé­dures exigées donnant ainsi lieu à la présence d’urgence simple et d’urgence impérieuse.

Le respect des principes devra aussi s’accommoder avec la nouvelle tendance verte des marchés publics tendant vers un marché axer sur les achats publics res­ponsables, qui tel un contrat d’adhésion impose au ti­tulaire de respecter à la lettre les impositions de l’AC, y est aussi annexé le volet environnemental. Et les achats publics durables qui se scindent en 3 rubriques : le volet économique ; permettre aux PME, PMI d’embrasser la voie des marchés publique, d’un volet sociale : per­mettre aux groupements des femmes, des jeunes, de personnes vivant avec un handicap d’arrondir leurs por­tefeuilles grâces aux marchés publiques et d’un volet environnemental ; la prise en compte par le titulaire du marché de la protection de l’environnent à travers l’achat de biens écologiques et durables dans le temps.

La protection de la concurrence est donc le substrat de l’encadrement institutionnel des marchés publics. Nul ne saurait se prévaloir d’un quelconque titre afin d’influencer l’affectation ou non du marché à un opéra­teur économique de son choix (art 40). L’impact social des marchés publique semble aussi être un motif afin de faire travailler des entreprises soit locales soit com­munautaires ou internationales avec l’apposition de la préférence nationale contribuant ainsi à la lutte contre le chômage excessif des jeunes et contribuant à la mise en pratique de leurs acquis théoriques.

L’intérêt de l’encadrement institutionnel peut aussi s’étudier dans le cadre de la mise en oeuvre de la dé­matérialisation des procédures de passations des mar­chés publics qui n’est pas sans risques en raison de la répartition de la connexion au Sénégal dont le débit diffère selon les localités. Donc des mesures de sécu­risations de façon ex-ante ou ex-poste permettront de lutter contre le contentieux de l’émission ou de la ré­ception des offres.

En outre, l’encadrement des marchés publics n’est pas seulement Institutionnel, il existe un volet juridic­tionnel.

La présence du juge dans le cadre des marchés pu­blics peut poser un problème pour le profane. L’inquié­tude majeure demeure celle de comprendre la liaison entre une autorité administrative qui selon son statut est indépendante se voit rattacher à un ordre judiciaire comme prévu par l’article 92.2.

La solution à ce problème pourrait être assez simple, d’abord afin de fortifier l’Etat de droit les décisions de l’ARCOP en l’occurrence celles rendues par le CRD peuvent être attaquées au niveau de la chambre admi­nistrative de la Cour Suprême après quelques réglages de fonds et de formes.

Le contrôle de la procédure de passation entendue au sens du DR MAMADOU YAYA DIALLO comme une conti­nuité du jugement la régulation mais qu’effectue le juge. (« Le juge de l’administration et la régulation des marchés publics » revue AFRILEX. P 22)

Beaucoup plus présent dans le cadre du contentieux de la passation, le contrôle juridictionnel vaut son pe­sant en raison du fait qu’il s’agit ici d’un acte administra­tif susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir. Inversement dans le contentieux de l’exécution, le culte du règlement à l’amiable y est beaucoup plus développer tels que la médiation, et la conciliation afin de faire l’économie d’un procès périlleux et couteux.

L’on note ici à ce qui pourrait ressembler d’une part à un contrôle hiérarchique des décisions du CRD et d’autre part à un REP concernant l’autorité administrative.

La critique qui pourrait être formulé à ce stade est pourquoi le code des marchés publics ne s’est pas pro­noncé sur la durée légale d’intention d’une action en jus­tice. Acte qu’il délégué solennellement à la loi 2022-16 du 23 Mai 2022 sur la cour suprême en son article 74-1 bis.

Ce contrôle des décisions accentue l’Etat de droit qui peut être définit comme la soumission de la puissance publique aux lois et règlements régissant l’ordre pu­blique. Les actes du CRD bien qu’exécutoires sont à la limite dépourvus d’impérium et se voient donc être com­bler par la puissance décisionnelle du juge.

La présence du juge a suscité de grand débat dans le cadre des marchés publics, en raison de sa formation typiquement accentuée sur les domaines du droit privé, l’idée de voir le juge qui maitrise le système s’est fait dé­sirer.

Ce dernier qui a la charge de juger ne saurait ne pas le faire sous réserve d’un déni de justice s’est très long­temps heurté à un défaut de maitrise de la gestion de la commande publique.

Rappelons-le, au Sénégal en raison de l’unité juri­dictionnelle, les juges sont compétents à la fois en ma­tière civile comme en matière administrative. Mais avec cette discipline qui à la limite est nouvelle, qui passe d’un simple chapitre à une organisation structurelle, il faut donc y être imbibé avant que les décisions juridic­tionnelles lèsent un particulier tout en faisant l’objet de création d’une jurisprudence.

Ce faisant, une initiative très saluée de la part de l’ARCOP a vu le jour par le biais d’un contrat signé entre l’ARCOP et le Centre de Formation Judiciaire du Sénégal portant sur la formation des élèves magistrats à la com­mande publique, désormais, le juge devient un acteur de la commande publique et l’idée d’un jugement par tâton­nement est rangée aux oubliettes.

Mais cette phase si technique devrait être accompa­gné par la création d’une chambre au niveau de la cour suprême chargée du contentieux de la commande pu­blique dénommée chambre administrative de la com­mande publique au regard du rattachement de la cour des comptes aux maniements des finances publiques mais surtout d’instaurer le principe du référé dans le cadre de la commande publique au Sénégal afin de ne pas trahir le principe de célérité.

Cette proposition vaut son pesant d’or car en réalité, le juge même étant formé pourrait ne jamais servir dans la commande publique en raison de son affectation, crée donc la chambre administrative de la commande pu­blique familiarisera le juge de façon continue mais aus­si sera un pallier aux lenteurs judiciaires et résoudra la perte d’une chance chez le demandeur.

En plus de la formation du juge, une pertinente idée de faire de même pour les avocats demeure cruciale. En réalité il s’agit d’une concurrence basée sur de grosse somme d’argent, bien vrai que le ministère d’avocats ne soit pas une obligation pour le requérant, mais au regard des mises en jeux, afin d’avoir une sécurisation optimale limitant les failles processuelles, ce dernier devrait s’en approprier un reconnu apte en la matière.

Alors s‘en suit une question : est-ce-que tous les avo­cats sont imprégnés dans la commande publique ?

A l’instar du juge, la même question donne la même réponse par conséquent pour une bonne maitrise de la commande publique de la part des acteurs judiciaires offrira à la commande publique cette pépite manquante et lui rendra son indépendance autant recherché bien vrai que les travaux abattus jusque-là sont à saluer.