CONTRIBUTION : L’OPTIMISATION DE LA GESTION DES FINANCES PUBLIQUES AU SENEGAL A TRAVERS LA MISE EN ŒUVRE DES BUDGETS-PROGRAMMES ET LA CENTRALISATION DE LA COMMANDE PUBLIQUE

CONTRIBUTION : L’OPTIMISATION DE LA GESTION DES FINANCES PUBLIQUES AU SENEGAL A TRAVERS LA MISE EN ŒUVRE DES BUDGETS-PROGRAMMES ET LA CENTRALISATION DE LA COMMANDE PUBLIQUE

Le Président de la République du Sénégal, son Excellence Monsieur Bassirou Diomaye Diakhar FAYE a évoqué, lors de la Conférence des Administrateurs et Managers Publics (CAMP), sa volonté d’œuvrer pour une meilleure rationalisation des dépenses publiques. A cela, il dit je cite : « Notre objectif est de rationaliser les dépenses de l’État et d’améliorer nos marges de manœuvre budgétaires, dans le cadre d’un assainissement durable et d’une gestion vertueuse de nos finances publiques. Cela nous permettra de construire une gouvernance fondée sur la souveraineté, des solutions et des résultats ». En outre, il affirme avoir reçu, du Premier ministre le projet de création de l’agence de centralisation de la commande publique. C’est tout le sens de la présente réflexion.

La commande publique et la gestion des budgets publics sont des instruments essentiels dans l’organisation et le fonctionnement de l’État. Au Sénégal, comme dans de nombreux pays, la centralisation de la commande publique vise à rationaliser les dépenses publiques et garantir une gestion plus transparente et efficace des fonds publics. Cette centralisation s’inscrit dans un contexte de réforme visant à renforcer la gouvernance économique et à optimiser l’utilisation des ressources publiques.

Dans le même temps, le passage au système des budgets-programmes a marqué une étape importante dans l’évolution de la gestion des finances publiques. Ce système, qui repose sur l’alignement des ressources financières sur des objectifs de performance, constitue un outil de planification et de suivi de l’action publique plus rigoureux, comparé aux budgets classiques, souvent orientés par une logique de prévisions administratives.

En ce sens, l’articulation entre la centralisation de la commande publique et la mise en œuvre des budgets-programmes doit être menée à la lumière de l’Agenda National de Transformation (ANT) du Sénégal, prévu à l’horizon 2050. Elle représente un enjeu majeur pour le Sénégal. Elle permet non seulement de garantir une meilleure allocation des ressources, mais aussi d’assurer une transparence accrue dans la gestion des fonds publics. Cependant, ces réformes soulèvent également des défis, notamment en matière de coordination, d’efficacité, et de contrôle des dépenses publiques, qui nécessitent une attention particulière des acteurs institutionnels, des gestionnaires publics et des partenaires de développement.

Dès lors se pose la question suivante : Comment la mise en œuvre des budgets-programmes au Sénégal et la centralisation de la commande publique interagissent-elles pour améliorer la gestion des finances publiques, tout en surmontant les défis liés à leur mise en place effective ?

  1. La mise en œuvre des budgets-programmes : Un levier pour la gestion axée sur la performance au Sénégal.

La réforme des budgets-programmes au Sénégal, introduite par la loi organique n° 2011-15 du 08 juillet 2011 relative aux lois de finances adoptée dans le cadre de la transposition des directives du cadre harmonisé des finances publiques au sein de l’UEMOA de 2009, est un pas décisif vers une gestion plus transparente et efficace des finances publiques. Depuis sa mise en œuvre, le système des budgets-programmes vise à articuler les ressources publiques autour de programmes spécifiques, dont les résultats sont mesurés à l’aide d’indicateurs de performance. Ce système permet une gestion axée sur les résultats, garantissant que chaque dépense est justifiée par l’atteinte d’objectifs précis, ce qui rend la gestion publique plus responsable et plus transparente.

Les objectifs juridiques du budget-programme sont multiples. Il s’agit non seulement de rationaliser les dépenses publiques, mais aussi de s’assurer que les priorités nationales soient alignées avec l’allocation des ressources financières. Par exemple, les secteurs de l’éducation, de la santé ou des infrastructures sont désormais financés de manière plus ciblée, avec des programmes clairement définis, permettant de suivre et d’évaluer leur impact.

Cependant, bien que ce système soit déjà en place, des défis persistants demeurent, notamment en matière de collecte et de gestion des données nécessaires à l’évaluation des résultats. Le manque de capacité dans certaines administrations pour mettre en place des outils de suivi efficaces reste un frein à une gestion optimale. De plus, bien que le budget-programme soit censé favoriser une meilleure planification à long terme, des problèmes de coordination entre ministères et institutions publiques subsistent, ce qui peut compromettre l’atteinte des objectifs fixés. Ainsi, bien que le budget-programme soit un outil potentiellement puissant pour améliorer la performance de l’État, son efficacité dépend largement de la formation continue des responsables et de la mise en place d’un système de contrôle rigoureux.

  1. La centralisation de la commande publique : Le projet d’une nouvelle agence pour renforcer la transparence et l’efficacité.

En parallèle de la mise en œuvre des budgets-programmes, le Sénégal envisage de renforcer la gestion de la commande publique à travers la création d’une agence centrale dédiée à cet effet. Actuellement en phase de projet, cette réforme vise à centraliser la gestion des marchés publics afin de mieux contrôler les processus de passation et d’exécution des contrats, tout en réduisant les risques de corruption et de gaspillage des fonds publics.

L’objectif principal de la centralisation de la commande publique est de garantir une gestion plus cohérente et transparente des marchés publics, notamment en favorisant une meilleure coordination entre les différentes entités publiques. Une agence dédiée permettra de centraliser l’attribution des marchés, de simplifier les procédures et d’assurer une meilleure concurrence entre les entreprises prestataires. Ce processus devrait aussi faciliter le suivi des conditions d’exécution des contrats et la vérification de la qualité des prestations fournies.

Toutefois, l’idée de centralisation reste encore à un stade préliminaire, avec plusieurs défis à surmonter. Le principal obstacle réside dans la résistance au changement de certaines administrations locales, qui ont souvent géré leurs marchés de manière décentralisée. Il y a également des incertitudes organisationnelles : quel sera le rôle exact de cette future agence ? Comment sera-t-elle structurée pour garantir son indépendance et son efficacité ? De plus, la réussite de ce projet dépendra de la capacité de l’agence à se doter de ressources humaines qualifiées et à mettre en place des outils de gestion performants. Enfin, il sera crucial que l’agence soit dotée de pouvoirs suffisamment forts pour réguler le secteur tout en garantissant la transparence.

  1. Interaction entre les budgets-programmes et la centralisation de la commande publique : Une gestion optimisée des finances publiques.

L’interaction entre la mise en œuvre des budgets-programmes et la centralisation de la commande publique représente un enjeu majeur pour améliorer la gestion des finances publiques au Sénégal. Tandis que les budgets-programmes visent à allouer les ressources de manière plus ciblée et à mesurer la performance des programmes, la centralisation de la commande publique assurera que les projets financés sont attribués selon des règles strictes de transparence et de concurrence.

L’intégration de ces deux réformes permettrait d’optimiser l’utilisation des ressources publiques en garantissant que les financements des programmes sont utilisés efficacement et conformément aux priorités définies. Par exemple, une fois les budgets alloués à un programme spécifique, la future agence de commande publique pourrait jouer un rôle clé dans l’attribution des marchés, en s’assurant que les prestataires sélectionnés respectent les objectifs de performance du budget-programme. Cela permettrait une cohérence globale entre les dépenses et les résultats obtenus.

Cependant, une telle interaction nécessite une coordination efficace entre les acteurs responsables de la gestion des finances publiques et ceux de la commande publique. Des mécanismes de suivi et d’évaluation conjoints devraient être mis en place pour garantir que chaque dépense publique contribue réellement à l’atteinte des objectifs stratégiques fixés dans les budgets-programmes.

IV. Les défis à surmonter pour une mise en œuvre efficace de ces réformes :

La mise en œuvre simultanée de la centralisation de la commande publique et des budgets-programmes soulève plusieurs défis pratiques. Parmi ceux-ci, la résistance au changement demeure un obstacle majeur. Les fonctionnaires des administrations locales, habitués à une gestion décentralisée, peuvent percevoir la centralisation des marchés comme une perte de contrôle, ce qui pourrait freiner l’adhésion à ces réformes.

Un autre défi important est la formation et la mise à niveau des ressources humaines. La réussite des deux réformes dépendra de la capacité des acteurs publics à s’adapter à des systèmes de gestion plus rigoureux et axés sur la performance. Quid de la professionnalisation des acteurs de la commande publique ?

Par ailleurs, une attention particulière devra être portée à la création d’un cadre juridique clair et cohérent qui garantisse l’indépendance et l’efficacité de l’agence centrale de commande publique, tout en assurant un suivi rigoureux des programmes financés.

CONCLUSION :

En conclusion, bien que le budget-programme soit en cours de mise en œuvre au Sénégal et qu’il ait déjà permis des avancées significatives en matière de gestion publique axée sur la performance, la centralisation de la commande publique reste un projet ambitieux, encore en développement. Si la création de l’agence de commande publique réussit à se mettre en place de manière efficace, elle pourrait jouer un rôle clé dans l’optimisation de la gestion des finances publiques, en assurant que les ressources allouées dans le cadre des budgets-programmes soient utilisées de manière plus ciblée et plus performante. Toutefois, la réussite de ces réformes dépendra avant tout de la capacité de l’État à surmonter les obstacles liés à la résistance au changement, à la formation des acteurs et à la coordination efficace des différents mécanismes juridiques et administratifs en place.

Abdoulaye DIALLO

MSPM_MSPP / Expert en Passation des Marchés

Millennium Challenge Account Sénégal II (MCA– Sénégal II)

Tel : 77 448 47 75

Mail professionnel : abdoulaye.diallo@mcasenegal.sn

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