C’est un nouveau cap pour les marchés publics. Partenaire stratégique des États, la Banque mondiale oriente de plus en plus ses financements vers les projets non polluants, ayant un impact important sur le développement durable. Pour la réalisation d’un tel objectif, l’institution de Bretton Woods a jeté son dévolu sur les achats publics. Comment utiliser les marchés publics pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, promouvoir l’emploi des jeunes, des femmes et des personnes vivant avec un handicap, satisfaire les besoins des populations ? C’était l’objet d’un atelier tenu à l’Institut de régulation de la commande publique (Ircop), à l’intention de 80 participants venus de 10 pays de l’Afrique de l’Ouest et du Centre.
Du côté de l’Autorité de régulation de la commande publique du Sénégal, les plus hautes autorités s’engagent à faire de ces nouvelles exigences de la communauté internationale une réalité. Directrice de la Formation, Poulmery Ba Niang explique : ‘’La commande publique est un moyen privilégié pour régler un certain nombre de problèmes dans nos sociétés. Jusque-là, elle a permis de prendre en charge un certain nombre de besoins vitaux de nos populations. Maintenant, il s’agit de prendre en charge de nouvelles préoccupations comme celles liées à la protection de l’environnement, à l’accès à l’emploi des femmes, des jeunes et des personnes vivant avec un handicap…’’
De l’avis de Mme Niang, à travers la commande publique, il est possible de régler beaucoup de problèmes d’ordre environnemental, tout en rationalisant les dépenses publiques. Pour elle, ‘’il s’agit de dépenser mieux et de dépenser à moindre cout, tout en ne perdant pas de vue les autres aspects que soulèvent les achats publics’’. Pour y parvenir, l’ARCOP mise sur des ressources humaines de qualité, d’où l’importance, selon elle, de la session de formation avec la Banque mondiale.
‘’Maintenant, souligne-t-elle, il faut poser des actes. Ne pas se limiter à lancer des slogans. Il faudrait que ceux qui, en dernier ressort, élaborent les dossiers d’appels d’offres puissent prendre en compte ces considérations liées aux achats publics durables. Je pense que c’est le vrai défi. Le secteur privé devra aussi s’adapter’’.
Au Sénégal, la Banque mondiale a un portefeuille de plus de trois milliards de dollars qui concerne généralement des projets qu’elle accompagne. Dans la mise en œuvre de ces projets, il faudra nécessairement tenir compte de la nouvelle feuille de route : réduction des émissions de gaz à effet de serre, promotion des couches vulnérables (jeunes, femmes, personnes vivant avec un handicap). Spécialiste sénior en marchés publics à la Banque mondiale, Laurent Mehdi Brito précise : ‘’Depuis que le nouveau président a pris fonction, la mission de la Banque mondiale a légèrement évolué. C’est toujours d’éliminer l’extrême pauvreté et de partager les richesses, mais il a été ajouté dans une planète vivable. Ce qui veut dire que les aspects environnementaux, sociaux et économiques doivent désormais figurer en bonne place.’’ Selon le spécialiste, les achats publics sont un levier important pour la mise en œuvre de cette feuille de route. Concrètement, souligne-t-il, ‘’tous les projets financés par la Banque mondiale doivent avoir des indicateurs sur l’impact sur le genre, mais aussi des indicateurs clairs sur l’impact sur le climat. Cette session rentre dans le cadre de cette vision globale’’.
À l’échelle mondiale, les gouvernements dépensent chaque année plus de 13 000 milliards de dollars, soit 15 % du PIB mondial. Opportunité pour lutter contre la pauvreté et satisfaire aux besoins des populations, l’utilisation de cette manne peut avoir des impacts néfastes pour la planète. L’échange d’expériences a permis de mettre en exergue les meilleures pratiques pour lutter contre ce fléau. ‘’Il s’agit de mettre en place des mesures qui prennent en considération l’environnement, le social et l’économique. C’est tout le sens de cette session de formation. Cette session permet de montrer et de démontrer comment, par des actions tangibles, on peut créer de l’impact ; cela a été prouvé ailleurs, il n’y a pas de raison que ça ne soit pas le cas ici’’, indique la consultante.
Par ailleurs, la mise en œuvre de ces nouvelles exigences n’est pas sans difficulté. En effet, très souvent, il est soulevé l’aspect cout en matière d’APD. La formatrice relativise : ‘’Tout dépend de comment on s’y prend. Les achats publics, c’est une arme stratégique pour le gouvernement. Il peut être un levier le développement économique. Quand on décide d’acheter durable, le secteur privé va s’adapter. Et l’offre va augmenter, ce qui va réduire les couts. Mais en attendant que l’offre se développe, il est vrai que les couts peuvent être un peu plus élevés, mais il faut toujours relativiser’’.
Pour prendre en charge l’aspect durable des achats publics, les formateurs ont insisté sur l’approche. Celle-ci s’appuie sur le cycle de vie du bien ou service acheté. ‘’Il s’agit d’agir sur les quatre étapes suivantes : l’impact des matières premières sur l’environnement ; la production elle-même du produit ; l’utilisation du produit ainsi que sa fin de vie. Dans les quatre étapes, il y a des opportunités et il y a des risques. C’est ce que nous nous efforçons de voir avec les participants à l’atelier’’, explique la consultante de la Banque mondiale.
Revenant sur les préoccupations liées aux couts, le chef de la division PPP à l’Arcop, Al Hassane Diop, estime qu’il faut une vision plus globale. ‘’Quand on décide de changer de paradigme, au début, on peut effectivement avoir l’impression de perdre de la marge, mais à la longue, on peut gagner avec notamment la pérennisation des ressources, l’impact positif sur notre environnement. Je pense que c’est comme ça qu’il faut appréhender les couts, ne pas uniquement s’appesantir sur le prix’’, a-t-il indiqué.
À l’entendre, les États n’ont de toute façon pas le choix, il faudra bien s’adapter pour jouer sa partition dans la sauvegarde de la planète. ‘’Le monde fonctionne comme ça. Les Objectifs de développement durable sont fixés par l’Organisation des Nations Unies. Tous les démembrements de l’ONU, tous les États et organismes parties prenantes ont souscrit à ces ODD. Donc, ça devient un engagement de tous et chacun doit jouer sa partition’’, souligne le chargé des PPP à l’ARCOP.
Sources: Journal l’Enquête avec www.seneplus.com et CCRP/ARCOP