PARTENARIAT PUBLIC- PRIVE : La garantie d’un revenu minimum dans le cadre des projets, une alternative à explorer (Dr Moustapha DJITTE, Expert certifié APMG en développement et structuration de projets de PPP, Coordonnateur des projets de PPP de l’Administration)

PARTENARIAT PUBLIC- PRIVE : La garantie d’un revenu minimum dans le cadre des projets, une alternative à explorer (Dr Moustapha DJITTE, Expert certifié APMG en développement et structuration de projets de PPP, Coordonnateur des projets de PPP de l’Administration)

Le défaut de rentabilité n’est pas forcément une contrainte indissoluble pour la réalisation des projets de PPP. En effet, plusieurs mécanismes peuvent être développés dans le cadre de la structuration du projet pour y remédier. Au rayon de ceux-ci, la garantie de revenu minimum apparaît comme une mesure de soutien qui met à l’abri le partenaire de l’administration contre des pertes nuisibles à son business et à la vie du projet.

Enraison de sa particulière relativité, la rentabili­té d’un projet s’apprécie diversement selon la perspective d’analyse considérée. En effet, si elle repose sur des considérations strictement financières pour le privé, la rentabilité s’inscrit dans une perspective socio-économique pour la partie publique dont l’intérêt général reste le moteur de l’action.

Dans la perspective strictement privée, la rentabilité traduit le rapport des revenus du projet sur le coût des investissements consentis pour sa réalisation majorés des charges d’exploitation. Elle procède d’une projection de flux de trésorerie actualisés sur la base d’un taux va­riant en fonction des pays. Sa robustesse est appréciée au moyen d’une analyse de sensibilité qui consiste à ap­précier l’impact éventuel des risques du projet sur son économie.

Assise exclusivement sur les recettes produites dans le cadre de l’exploitation du projet et les coûts globaux enregistrés, la rentabilité du projet est strictement fi­nancière pour le privé. La réalité est toute autre pour la partie publique qui analyse la rentabilité sous le prisme de ses impacts dans la vie socio-économiques.

Dépassant le cadre étriqué des masses financières du projet, l’analyse de la rentabilité, dans une perspec­tive publique, prend en compte toutes les répercussions positives du projet qui sont monétairement évaluées dans le cadre de l’exercice de détermination de la valeur actuelle du projet.

Finalement, si la rentabilité reste un élément d’ap­préciation majeur de la viabilité pour toutes les parties, elle suit une méthodologie variable selon la perspective publique ou privée retenue. Toutefois, malgré cette di­vergence singulière, le déficit de rentabilité, quelle qu’en soit la logique interne, conduit à l’application de mesures de soutien dont la plus remarquable reste la garantie de revenu minimum.

Ce mécanisme de soutien consenti, par la partie pu­ blique, est destiné à immuniser le projet contre les ten­sions de trésorerie consécutives à une baisse de revenus quasi-permanente. Ainsi, sa vocation est de faire face à un déficit structurel qui installe le projet dans une situa­tion économique défavorable pendant une longue durée. Ainsi, une chute de flux de trésorerie occasionnelle qui reflète moins un gap de viabilité consubstantiel au projet qu’une mauvaise passe éphémère ne peut être sujette à une garantie de revenu minimum sur le principe. Cet infléchissement de l’économie du contrat est générale­ment rattrapé pendant les périodes de grâce.

Par ailleurs, nécessairement stipulée par le contrat de PPP, la garantie de revenu minimum prend la forme de versements compensatoires ou de renonciation à une part de redevance lorsqu’un certain seuil de déficit est atteint.

Concrètement, dans le premier système, le niveau de perte de viabilité qui autorise la compensation est paramétré dans le contrat de manière à permettre à l’opérateur de réclamer, sur la base d’états précis, les versements attendus lorsque le seuil de référence est dépassé. À cet effet, l’administration disposant d’élé­ments d’appréciation objectifs à travers les informations collectées sur la base des rapports périodiques trans­mis, apprécie la réalité et l’étendue du déficit invoqué avant de procéder à tout règlement utile.

Plus simple dans son mécanisme opératoire, la re­nonciation de redevance, qui n’est applicable qu’aux af­fermages et concessions, dispense l’opérateur de l’obli­gation de libérer les versements attendus, en tout ou en partie, dépendamment de l’ampleur du déficit. Dans tous les cas, l’effectivité de la perte subie par l’opérateur, comme fait générateur de la garantie de revenu mini­mum, doit être factuellement établie.

Illustrant cette forme de garantie, le minimum de trafic dans le cadre de l’exploitation confère au parte­naire de l’administration une solide soupape de sûreté.

L’autre enjeu lié à la garantie de revenu minimum se rapporte à ses incidences budgétaires évidentes. Occa­sionnant nécessairement des ressources budgétaires en moins, ce soutien à la rentabilité du projet est souscrit avec minutie pour ne pas affecter davantage la capacité d’investissement d’un pays déjà.

Sous ce rapport, l’exigence d’une bonne gestion com­mande une appréciation rigoureuse de l’opportunité de cette garantie commerciale, particulière dont la sous­cription expose le budget à des paiements pouvant être importants.

En situation de dettes croisées entre un gouverne­ment ayant souscrit une garantie de revenu minimum et son partenaire tenu au règlement de redevances, la question de la compensation des créances publiques ac­quiert un intérêt renouvelé.

Cherchant à prémunir les finances publiques de cette technique de gestion comptable qui sert visiblement une logique commerciale, le législateur proscrit la compen­sation aux créanciers de l’État qui peut à l’inverse y re­courir.

En effet, dans le cadre de la gestion d’un projet de PPP, le gouvernement peut défalquer les versements dus au titre de la garantie de revenu minimum sur la re­devance attendue du privé dans le cadre du partage des excédents d’exploitation.

Il faut souligner que sur le principe de la compensa­tion, les normes communautaires divergent dans le fond, créant des perplexités évidentes qui placent les acteurs dans une situation délicate. En effet, l’UEMOA analyse ce mécanisme comme une mesure d’exécution contre les organismes publics pour l’écarter contrairement au droit OHADA qui admet le principe.

Se déterminant dans ce clair-obscur, le juge de plein contentieux a rejeté les prétentions de l’administration en acceptant la compensation d’une dette de l’État avec la dette fiscale d’une société.

En attendant que la question soit élucidée, le gouver­nement peut continuer à exercer la compensation dans le cadre de la gestion de ces questions financières.

Toutes ces considérations mises ensemble, les re­cettes excédentaires enregistrées par le partenaire conduisent à des réajustements sous forme de rede­vance, de raccourcissement de la durée ou de baisse de tarif. Lorsqu’elles occasionnent des paiements, le gou­vernement peut recourir à la compensation.