C’est désormais acté. Les autorités contractantes qui ont un budget annuel supérieur à un montant défini par un arrêté du Ministre chargé des Finances sont tenus de consacrer au moins 5% de la valeur totale de leurs marchés annuels aux acteurs de l’économie sociale et solidaire ainsi qu’aux PME nationale. Dans ce pourcentage 2% sont réservés aux PME à Direction féminine.
L’article 6 du nouveau Code des Marchés Publics fonde un nouvel espoir et signe en ce sens un pas supplémentaire vers l’autonomisation économique des femmes et l’implication du leadership féminin dans le développement endogène durable et équitable.
Si l’accès à l’information est un dénominateur commun à une grande frange des PME, il est à noter que les disparités liées aux genres sont trop flagrantes pour passer inaperçus : seul 1% des marchés publics sont détenus par les femmes dans le monde! Dans le même moment, 90% des revenus des petites et moyennes entreprises dirigées par les femmes ont tendance à être réinvestis dans leur famille et leur communauté.
Une fois la barrière éducative d’accès à l’enseignement franchie pour accéder à la langue de Molière, la longue marche des femmes se mesure par les efforts à faire pour sortir de l’informel et devenir entrepreneures compétitives.
Les nombreuses tâches domestiques qui sont leur lot quotidien devront être terminés si elles veulent aspirer à la formalisation de leur structure et la maîtrise des rouages des marchés publics en devenant candidate. Celles qui réussissent à surmonter l’exploit ont, de fait, moins de temps pour préparer des offres conformes et suivre toutes les étapes du processus de passations et d’exécution des marchés en raison des préjugés sexistes figeant la femme dans un éternel rôle social reproductifs et ménagers.
Les préjugés sont tenaces, les normes sociales sévères, la marginalisation réelle et les mentalités résistantes changements.
Harcèlement
Au Sénégal, en dépit des efforts faits, les légères évolutions constatées, notamment en milieu urbain, se heurtent à l’amère réalité : 3% des femmes soumissionnant à un appel d’offres ont été victimes de harcèlement pour obtenir des marchés publics. Un froid glacial quand on sait que la majorité d’entre elles accèdent à l’information sur les opportunités de marché à travers les hommes : collègues, parents, employés masculins.
S’y ajoute dans ce secteur un mécanisme de règlement des différends qui ne prend pas en compte, pour l’instant, cette plainte bien fondée.
La litanie peut être longue. On ne peut néanmoins passer sous silence le manque d’information sur le droit applicable et la méconnaissance des dispositions déjà existantes sur leurs droits et sur les mécanismes de protections associés.
Le recensement général des entreprises de 2017 révèle que, seuls 12 % des entrepreneurs individuels – la catégorie où les femmes sont les plus représentées – ont une connaissance des marchés. Celle – ci est encore plus faible dans les secteurs où les femmes sont les plus représentées : 13,6 % pour les services personnels, 10 % pour les détaillants et 9,5 % pour le secteur hôtelier.
On ne peut non plus occulter les difficultés d’accès aux sources de financements ou aux mécanismes de garanties ni les délais relativement longs de paiement qui découragent les femmes à soumissionner. L’insuffisance de trésorerie ne militent pas en faveurs d’une aisance financière permettant de souscrire à toutes les obligations du titulaire du marché, à l’instar des entreprises de grande taille.
D’autres obstacles surviennent et ont trait aux procédures qui sont complexes et aux déficits de formation.
Dans ce décor, une lueur d’espoir surgit. Les facilités accordées à la PME féminine sont inscrites dans le nouveau Code des marchés publics en sus de celles accordées aux PME en général. Cette première peut être dispensée de garantie de soumission et est supposée être accompagnées par la Caisse des Marchés, nouvelle entité publique qui se propose d’accompagner les femmes par le biais de l’affacturage.
Dans le domaine des partenariat publics – privé, les dispositions du décret 14-43 du 27 octobre 2022 portant application de la loi relative aux contrats de partenariat public privé, accordent dans des conditions clairement définies, une préférence aux entreprises dont l’actionnariat est majoritairement détenu par des femmes ou pour celles dont plus de 50% du personnel est composé de femmes.
Ces différentes mesures suffiront-elles pour rééquilibrer la donne ? L’espoir est permis quand on sait que le nouveau cadre réglementaire, attache une attention particulière à l’effectivité et l’efficacité du cadre légal par le biais du respect des mesures positives prises avec l’appui du régulateur sectoriel qu’est l’ARCOP. L’avenir nous édifiera.
Mme Poulméry Ba Niang
Directrice de la Formation et
des appuis techniques
(DFAT/IRCOP/ARCOP)