L’objectif de cet article est de mettre en lumière les défis auxquels les PME sénégalaises sont confrontées dans l’accès à la commande publique et d’examiner les solutions pour les surmonter. Il se focalise sur l’importance des PME pour l’économie sénégalaise et sur les avantages prévus par la réglementation des marchés publics pour les PME. L’accent est mis sur l’obstacle financier majeur que représentent les garanties financières pour les PME, et sur la nécessité de les réduire pour soutenir l’accès des PME aux marchés publics. Enfin, l’article explore d’autres solutions dans ce sens, telles que rendre obligatoire le versement des avances et des acomptes et mettre en place de programmes de formation pour les entrepreneurs.
Les marchés publics représentent un enjeu crucial pour les entreprises, qu’elles soient de petite, moyenne ou grande taille. En effet, les marchés publics sont un moyen pour les entreprises de se positionner sur des projets importants et de développer leurs activités. Pour les petites et moyennes entreprises (PME), ils sont une occasion de se faire connaître auprès de grands groupes et de se positionner sur des projets de grande envergure. Pour les grandes entreprises, ils sont un moyen de conserver leur position dominante sur le marché et de continuer à se développer. Plus de 30.000 marchés sont passés au Sénégal par an, pour un montant de 2.500 à 2.6001 milliards de francs CFA, dont 67% sont financés par le budget national.
Cependant, il est important de noter que la concurrence sur les marchés publics est souvent rude, et les entreprises doivent être en mesure de répondre à des exigences techniques et financières élevées. Les entreprises doivent donc être bien préparées pour répondre aux appels d’offres et être en mesure de proposer des solutions innovantes et adaptées aux besoins des acheteurs publics. Cependant, les PME au Sénégal peuvent rencontrer des obstacles financiers lors de la participation aux marchés publics. Les coûts élevés liés à la participation aux appels d’offres, les exigences financières strictes des marchés publics et la difficulté d’accéder aux financements peuvent rendre difficile pour les PME l’accès à la commande publique.
Les PME sénégalaises : « Un pilier clé pour l’économie du pays »
Une étude de la banque africaine de développement a montré qu’au Sénégal, les PME représentent environ 80% du tissu des entreprises, et contribuent à hauteur de 30% à la formation du PIB. Elles emploient près de 60% de la population active. Elles stimulent la croissance économique, créent des emplois, et diversifient l’économie en permettant aux régions et secteurs moins développés de s’impliquer dans le développement. L’État du Sénégal leur accorde une grande importance, notamment dans la réglementation des marchés publics2, en offrant des avantages aux PME dans les appels d’offres.
Le décret du 28 décembre 2022 portant code des marchés publics prévoit des marges de préférence3 pour les PME, groupements d’ouvriers, coopératives de production, startups labellisées, entreprises à direction féminine ou à actionnariat majoritairement détenu par des jeunes ou des personnes handicapées. Ces marges s’appliquent également aux entreprises locales et aux produits d’origine sénégalaise ou des pays membres de l’UEMOA lors d’appels d’offres internationaux.
Malgré ces avantages, les PME seront toujours confrontées à des obstacles financiers pour faire face aux grandes entreprises qui ont souvent un avantage sur elles en raison de leur capacité à financer des projets et à gérer des risques plus importants. C’est pourquoi la réforme devrait mettre l’accent sur la résolution de ces obstacles, tels que la réduction des garanties financières requises et rendre obligatoire le paiement des avances et des acomptes. Mais aussi mettre en place des programmes de formation pour les entrepreneurs.
Solution pour soutenir l’accès des PME aux marchés publics :
La réduction des garanties financières
Les garanties financières sont une précaution pour les acheteurs publics dans les marchés publics. Il s’agit de moyens pour les autorités contractantes de s’assurer de la solvabilité et de la capacité financière des entreprises pour exécuter les contrats publics. Le cautionnement, les garanties bancaires ou les garanties d’exécution entre autres, sont souvent utilisées pour s’assurer que les entreprises peuvent remplir leurs obligations contractuelles. Il existe plusieurs types de garanties financières :
- La garantie de soumission4 : elle a pour objet de s’assurer du sérieux de la soumission. Le garant s’engage à verser une somme déterminée au bénéficiaire si le soumissionnaire refuse de signer le marché ou de mettre en place les garanties prévues par le marché ;
- La garantie de restitution d’acompte ou de remboursement d’acompte : elle a pour fonction d’assurer à l’acheteur public le remboursement de tout ou partie des acomptes qu’il a pu verser à l’entrepreneur en cas d’inexécution par celui-ci de ses obligations aux termes du contrat de base ;
- La garantie de bonne fin ou de bonne exécution5 : elle a pour objet de garantir le client contre la mauvaise exécution du contrat de base ou contre la défaillance de l’entrepreneur ;
- La garantie de retenue de garantie : elle a pour fonction de protéger le client contre les défauts et les vices qui pourraient se révéler dans l’ouvrage ou le bien pendant la période de garantie.
L’obtention de ces garanties financières peut s’avérer difficile pour les PME. En effet, les banques exigent souvent des garanties supplémentaires, parfois de nature personnelle, pour accepter de couvrir les risques liés à ces contrats. De plus, les PME peuvent avoir du mal à obtenir des prêts bancaires suffisants pour couvrir les coûts liés à la fourniture des garanties financières.
Il existe plusieurs raisons qui pourraient expliquer les difficultés d’accès des PME (petites et moyennes entreprises) aux crédits bancaires :
- le défaut de garanties :
Les PME ont souvent des difficultés à fournir les garanties requises pour obtenir un prêt bancaire, telles que des actifs tangibles ou des flux de trésorerie stables.
- la faible solvabilité :
Les PME dans les pays en voie de développement peuvent avoir des difficultés à démontrer leur solvabilité, c’est-à-dire leur capacité à rembourser les prêts.
- le statut informel :
Beaucoup de PME opèrent dans l’économie informelle, ce qui rend difficile de les identifier et de les surveiller pour les banques.
- la faible culture bancaire :
Les PME peuvent ne pas avoir l’expérience ou les connaissances nécessaires pour naviguer dans les systèmes bancaires et les produits financiers.
- la faible infrastructure financière :
Les systèmes financiers dans les pays en voie de développement peuvent être peu développés et offrir peu de produits financiers adaptés aux besoins des PME.
- le risque de crédit élevé :
Les banques peuvent être réticentes à prêter de l’argent aux PME dans les pays en voie de développement en raison d’un risque de crédit élevé.
Cependant, il est impératif que les seuils de dispense des garanties de soumissions et de bonne exécution soient fermes et non laissés à la discrétion de l’autorité contractante. Bien que le code des marchés prévoie des dispositions permettant à l’autorité contractante de ne pas exiger de garantie de soumission pour les marchés d’un montant inférieur aux seuils fixés par arrêté du Ministre chargé des Finances, cela ne doit pas être une option à la discrétion de l’autorité contractante. Toutefois, cette pratique peut entraîner des difficultés pour les PME qui ont du mal à obtenir ces garanties financières.
L’obligation de paiement des avances et acomptes
Le monde des marchés publics peut être un terrain difficile pour les petites et moyennes entreprises (PME), surtout lorsqu’elles se mesurent aux grandes entreprises qui ont des ressources financières plus importantes. Cependant, le paiement obligatoire des avances et des acomptes peut permettre aux PME de proposer des prix plus compétitifs par rapport aux grandes entreprises. En effet, les PME ont généralement des coûts plus faibles et une structure plus flexible que les grandes entreprises, ce qui leur permet de réduire leur marge bénéficiaire pour proposer des prix plus compétitifs.
En matière de marchés publics, une avance6 est un paiement préliminaire accordé par l’acheteur public au titulaire du contrat pour couvrir des dépenses engagées en vue de l’exécution des travaux, fournitures ou services qui font l’objet d’un marché́.
Un acompte7, par contre, est un paiement effectué en cours de réalisation des prestations pour compenser les dépenses effectuées par le titulaire du contrat. Le paiement de ces avances et acomptes permet aux PME de disposer d’une source de financement pour couvrir les coûts initiaux liés à la réalisation du projet sans avoir à faire face à des frais financiers élevés.
Bien que prévue dans les dispositions de code des marchés publics, il est nécessaire de rendre obligatoire le versement des avances et acomptes par l’acheteur public, quels que soient le montant et la nature du contrat.
En somme, l’obligation pour les autorités contractantes de verser des avances et des acomptes garantit aux PME une source de financement fiable et stable pour la mise en œuvre de leurs projets, ce qui les encourage à participer à des projets plus ambitieux. Par ailleurs, cela promeut une concurrence équitable et permet de diversifier les sources de prestataires pour les projets publics.
La formation des entrepreneurs
La formation est un aspect crucial pour les PME qui souhaitent améliorer leurs compétences en matière d’appels d’offres. En effet, pour réussir dans les marchés publics, il est important de comprendre les règles et les procédures du système d’acquisition publique. Les appels d’offres peuvent être complexes et comporter de nombreuses exigences. Les PME qui ne sont pas suffisamment informées et formées peuvent rencontrer des difficultés pour soumissionner efficacement et décrocher des contrats. La formation peut aider les PME à comprendre les exigences de la commande publique, à préparer des offres de qualité et à maximiser leurs chances de succès.
En outre, la formation permet aux PME de développer des compétences relativement à la communication avec les autorités publiques, la négociation et la gestion de projet. Les PME peuvent ainsi mieux comprendre les attentes des acheteurs publics et adapter leur offre en conséquence. La formation aide également les PME à se familiariser avec les outils et les technologies utilisés pour soumissionner aux appels d’offres et à mieux comprendre les obligations légales et réglementaires liées à la participation aux appels d’offres.
Enfin, la formation renforce la confiance des PME dans leur capacité à remporter des contrats de marchés publics. Les PME qui ont suivi une formation sont plus enclines à participer aux appels d’offres et à soumissionner de façon compétitive. La formation peut également les aider à identifier les opportunités de marchés publics qui leur conviennent et à mieux cerner les opportunités d’affaires.
Conclusion
Les garanties bancaires sont souvent exigées dans le cadre des marchés publics pour protéger les acheteurs contre les risques liés aux contrats. Les institutions financières peuvent profiter de cette situation pour exiger des taux d’intérêt élevés ou des frais de gestion importants pour y accéder. Les grandes entreprises ont généralement plus de ressources financières pour répondre à ces exigences, tandis que les PME se retrouvent écartées de la concurrence en raison de leur manque de fonds propres ou de leur capacité limitée à obtenir des garanties bancaires.
Cependant, des dispositions ont été mises en place pour rendre les marchés publics accessibles aux PME, tels que les marges de préférence accordées aux PME, le relèvement des seuils d’exigibilité des garanties de soumission et de bonne exécution. Ces mesures peuvent ne pas suffire à compenser les inégalités existantes. Il est important d’examiner les détails de ces dispositions et de surveiller leur mise en œuvre pour évaluer leur impact réel sur les PME.
L’inclusion de dispositions spécifiques dans le code des marchés publics pour exiger le paiement obligatoire d’acomptes et d’avances, et la formation pour les entrepreneurs serait un atout supplémentaire pour les PME afin de leur donner les mêmes chances de remporter des marchés publics que les grandes entreprises et ainsi de favoriser l’égalité des chances entre tous les acteurs économiques. Cette exigence est un élément clé pour favoriser la participation des PME aux marchés publics et contribue à une concurrence plus saine et équitable dans les appels d’offres. Il est toutefois important de noter que la réduction des garanties financières ne doit pas être effectuée au détriment de la protection des acheteurs publics. Il est nécessaire de trouver un juste équilibre entre la protection des acheteurs publics et l’encouragement de l’accès des PME aux marchés publics.
SOURCES
1Rapport ARMP du 1 décembre 2022 sur les marchés publics : transparence globalement respectée
2Article décret du 28 décembre 2022 portant code des marchés publics
3Articles 26, 48 et 62
4Article 113
5Articles 114 à 118
6Articles 93 à 96
7Articles 97 et 98