La situation économique actuelle au Sénégal et dans le monde est caractérisée par une flambée des prix qui n’a jamais été aussi forte que durant la période de 2020 à nos jours, marquée par les événements tels que la crise liée à la pandémie de COVID 19, la guerre entre la Russie et l’Ukraine.
Aussi, la situation qui résulte de la hausse des prix est devenue préoccupante dans le secteur des marchés publics ou le prix constitue une variable importante aux différentes étapes du cycle de la passation de marché.
En effet, durant la phase de préparation des marchés, l’autorité contractante a besoin d’avoir une bonne estimation du prix pour effectuer une programmation budgétaire pertinente et, de manière incidente, choisir le mode de passation le plus approprié. Quant aux candidats aux marchés, la compétitivité de leurs offres à la soumission est tributaire d’une parfaite maîtrise des prix.
En outre, au terme de la phase d’évaluation des offres, le choix de l’attributaire est effectué sur la base de l’offre conforme et économiquement la plus avantageuse, proposée par le candidat qui satisfait aux critères de qualification requis pour exécuter le marché. Ainsi, même si le prix n’est pas le seul élément à prendre en compte dans la décision d’attribution du marché, il n’en constitue pas moins un élément important.
A la phase exécution du contrat, la bonne gestion des coûts du marché par le maître d’ouvrage garantit l’atteinte des objectifs d’efficience et favorise une exécution diligente des prestations par le titulaire.
Ainsi, compte tenu de l’importance de la variable prix pour les parties impliquées dans un contrat de marché public, la forte hausse est devenue une équation insoluble tant la situation est susceptible d’impacter la bonne exécution des prestations destinées à satisfaire un besoin d’intérêt général.
S’il est vrai que dans les situations de fluctuation de prix, les autorités contractantes ont tenté de trouver une solution équitable, pour autant, force est de constater qu’elles sont souvent confrontées à la dualité entre l’impérieuse nécessité de justifier l’accord et la situation qui résulte de l’insuffisances de dispositions spécifiques pertinentes prévue par le Code des marchés publics (CMP) pour prendre en charge de manière optimale la problématique de l’évolution des prix.
Toutefois, en dépit du cadre normatif compendieux sur les points relatifs à la variation des prix dans un marché public, le CMP a prévu des dispositions spécifiques sur ces questions notamment, au « chapitre IV, Prix des marchés, sous-section II. Prix fermes et prix révisables », plus précisément aux articles 19 à 22. Dans le même sens, les dossiers-type standard d’acquisition contiennent des prescriptions spécifiques sur l’application de la révision ou de l’actualisation des prix du marché.
Ainsi, l’analyse des indications contenues dans le CMP et dans les clauses des dossiers-type permet de trouver un début de solution à l’épineuse équation de la variation des prix. En effet, selon le contexte du marché, il peut être retenu soit, l’option « prix révisable » en cas de forte probabilité de fluctuation des prix, notamment pour les machés dont le délai d’exécution dépasse 12 mois ; soit l’option « prix ferme » lorsque ce choix n’est pas de nature à exposer les parties à des aléas majeurs. Dans ce dernier cas, il est possible d’actualiser le prix pour tenir compte de la possibilité d’un démarrage tardif des prestations qui rendrait les prix non conformes à la réalité économique.
Finalement, les deux notions d’actualisation et de révision de prix, qui ne s’appliquent pas dans les mêmes conditions, sont destinées à ajuster le prix d’un marché pour le rendre conforme à la réalité économique.
Au demeurant, le constat est que beaucoup d’autorités contractantes éprouvent des difficultés dans la mise en œuvre des formules de révision et d’actualisation contenues dans les dossier-types standards. Cette situation est accentuée par l’absence d’un référentiel couvrant, de façon exhaustive, l’ensemble des prix dans les marchés publics, même s’il y a une contribution significative de l’ANSD à travers la publication des indices de coûts dans certains secteurs tels que le bâtiment.
C’est pourquoi, la formation des acteurs sur la révision des prix et l’actualisation doit constituer une priorité pour clarifier davantage ces notions qui paraissent, pour la grande masse, une nébuleuse. C’est tout l’intérêt des sessions spécifiques initiées par la Direction de la Formation et des Appuis Techniques (DFAT) de l’ARCOP au profit des autorités contractantes durant le mois de mars 2024. Force est de constater également, que certaines autorités contractantes, comme le Port Autonome de Dakar, ayant bien compris l’intérêt d’une bonne compréhension de ces problématiques, se sont rapprochées de l’ARCOP pour l’animation d’une session de formation sur ces thèmes.
En plus de la formation, il est important d’envisager de préparer des textes pour préciser davantage les dispositions du CMP, de produire un guide dédié à la problématique et de finaliser le grand chantier sur la mise en place d’un référentiel des prix dans les marchés publics.
M. Ousseynou Cissé est le Directeur de la statistique et de la documentation (DSD) de l’ARCOP. Il a récemment animé un séminaire de formation sur le sujet à l’attention des membres de la cellule de passation des marchés du port autonome de Dakar (PAD)